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Chapitre 28
Lorsqu'on est amoureux, on est comme ivre, ce qui obscurcit la vérité
Quel rapport existe-t-il donc entre ces analyses du grand magasin, du musée d'art, de la science et de l'art et l'immaculée conception?
C'est bel et bien pour parler de ce sujet que nous les avions entreprises.
La réponse à cette question est que ces analyses nous montrent que la mentalité et la façon de vivre des hommes de la terre sont soumises à un processus de changement qui les fait entrer petit à petit dans une sphère d'expérience qui n'a rien à voir avec le processus de multiplication et de reproduction qui domine le règne animal.
Cette sphère d'intérêt se différencie de celle des animaux par le fait qu'elle est totalement étrangère au culte du mâle et de la femelle.
Dans son expression suprême, elle engendre uniquement la création pour la création.
Dans son expression suprême, cette création n'est donc pas engendrée pour qu'un mâle puisse faire la cour à une femelle ou vice versa.
Elle n'a donc rien à voir avec le roucoulement d'amour du pigeon ramier, même si elle est parfois influencée, au tout début de son développement, par les énergies qui poussent le mâle et la femelle à tomber amoureux l'un de l'autre.
C'est cette première tendance à la création qui engendre finalement les formes d'art les plus nobles et les plus pures.
Mais dans ce monde de l'art débutant, certains artistes ne peuvent être inspirés que par l'ivresse que crée le fait d'être amoureux.
Lorsque ces artistes ne sont pas amoureux, ils deviennent incapables de créer.
Ceci est vrai dans certains cas pour les écrivains comme pour les peintres.
Lorsqu'ils tombent finalement amoureux, ils deviennent parfois capables d'une grande productivité, mais il en résulte presque toujours une œuvre pompeuse qui sous forme de poème, de roman ou de peinture chante les louanges de l'atmosphère d'amour soit masculine, soit féminine et qui n'est donc pas véritablement de l'art.
Ces œuvres d'art engendrées par l'ivresse de l'amour peuvent bien sûr sembler exceptionnellement belles et touchantes au lecteur ou au spectateur sentimental et rendre leur auteur célèbre ou même faire qu'il soit considéré comme un génie.
Mais un penseur sobre qui cherche la vérité absolue ne sera pas attiré par elles.
Étant donné que ces œuvres ne sont pas engendrées dans un esprit totalement impartial et sobre, elles ne peuvent être totalement parfaites et représenter, dans leur domaine respectif, l'expression absolue de la vérité.
Ainsi donc, elles ne sont pas de l'art véritable.
L'art doit forcément exprimer la vérité.
Dans le cas contraire, il ne serait pas synonyme de science.
Et s'il n'est pas synonyme de science, c'est forcément parce qu'il est le produit des illusions que nourrit son auteur et son créateur, le produit de ses erreurs, de son ivresse et des tendances à l'exagération et à la partialité qui s'en suivent.
C'est ainsi que bon nombre des œuvres d'art célèbres, que ce soit des livres ou des peintures, qu'on a pu considérer, à travers les âges, comme des chefs-d'œuvre, vont être petit à petit mises au rebut par les hommes de la terre au fur et à mesure que leurs facultés d'observation vont évoluer et qu'ils deviendront capables de discerner les faiblesses de ces œuvres.
Étant donné que l'art ne peut être authentique que lorsqu'il est synonyme de science véritable, qu'une science véritable ne peut que représenter l'expression totale de la vérité et qu'une telle expression implique forcément l'impartialité totale de son auteur, il devient évident qu'un être qui possède une structure organique faite de telle sorte qu'il ne peut faire l'expérience de la vie que de façon partiale ne pourra en aucun cas connaître la vérité absolue. Un être qui pour vivre a besoin de choisir et posséder un favori parmi les autres êtres et d'être à son tour le favori de cet être ne peut être que partial envers ce même être. Cette partialité est pour lui naturelle parce que c'est elle qui fait son bonheur et sa joie de vivre suprême. |
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